La brume me dit ses mots d’amour et de soleil.

Par la magie d’un rayon étouffé, relégué de l’autre côté de la ouate humide, j’entends une bûche qui explose dans la gueule d’un dragon ressuscité des braises de la nuit.

Les murmures de la vie quotidienne me rassurent dans ce petit matin froid.

L’humain rêve de grandeur et de gloire, ignorant d’être fait de ces riens et que ce sont eux qui font de lui un être remarquable.

Une odeur de café flotte dans l’air, il fait bon ici. Ce qui fut est.

Comme une bulle crève la surface en remontant des profondeurs, le temps est aboli, il n’a jamais existé.

Dehors, les arbres se révèlent un instant puis se cachent. Leurs ombres, porteuses d’une angoisse lourde dont on ignore le nom, rampent au travers des plis des voiles de la terre.

Intuitivement, je perçois que n’entre pas ici celui qui n’est pas invité et accompagné de guides aussi impalpables que l’air, aussi puissants que le vent.

Je ferme les yeux, par mon front qui palpite sous la fraîcheur d’un souffle, mon voyage commence.

©Adamante

Petite respiration

L’espace devant moi

l’espace derrière moi

l’espace au-dessus de moi

l’espace au-dessous de moi

en moi

aussi

infini

délié

par les langues

du vent.

Le froissement

des feuilles

le gémissement d’une branche de saule

dans les flammes

« Elle pleure » me disais-tu

m’arrivent

portés par ta main

toujours présente

et par ta voix

qui m’accompagne

dénoue mon âme

et fait chanter

mon esprit.

Plus de frontière.

Ta présence

dans le vent

dans le souffle

te fait plus présent

à chaque battement

de ce cœur

qui pulse

son sang

rouge de vie

dans ses artères

crépitantes

dont tu fus créateur.

Ton amour

me guide

m’émerveille

onde prégnante.

Mon admiration

va au-delà de l’horizon

ouvert

pétri de brume au soleil

qui accroche un arc-en-ciel

ce pont

entre nos deux mondes.

Me voici

dédiée à l’amour

renouvelée d’espace

tu me fais naître

encor et encor

et le temps

loin de l’usure

renforce cette vie

que je te dois.

Est-ce que tu me manques ?

Oui !

Non !

Ta présence me dilate.

Au centre de mes espaces intérieurs

la vie se crée

explose

repose en tendresse

entre tes doigts protecteurs.

Ton souffle sur mon front

mon rire dans ton amour

ma confiance

absolue

ma fierté d’être

de toi

de te savoir

tout à moi

nombril de ton monde

et de te découvrir enfin

apex de mon univers.

Étrange possession

qui débouche sur le rien

de ce tout

qui nous confond

au tout.

Juste place

au centre du vide géniteur.

Mon verbe chante

le silence

mon verbe chante

l’espace

l’espace devant moi

l’espace derrière moi

l’espace au-dessus de moi

l’espace au-dessous de moi

en moi

aussi

infini

délié

par les langues

du vent

et le murmure

de ta présence

mon père.

©Adamante

Chpapyrus

Les gouttes racontent

une histoire

trouble

semblant fuir le ciel

elles mitraillent le carreau

violence et déchirement

derrière

le vent crache

il rugit

elles s'agitent

gémissent

il fait très froid soudain

les ombres ont grignoté

les dernières lueurs du jour

malade

Je me demande

où est passé ma joie.

Le chat

imperturbable

drapé de dignité

inaccessible

semble dormir

je sais qu'il veille !

À quoi pense-t-il ?

tandis que les secondes

m'appesantissent

au fond de ce fauteuil

si plein de solitude

ce soir.

©Adamante

La création du monde

Les mots du cœur

juste l'instant

fulgurance

un nuage qui fuit

un rayon de soleil

un rien

là

qui illumine

le jour

et

en soi,

le bonheur

intact

que l'on croyait perdu

alors

du fond du souffle

monte le mot

merci !

véhicule de l'amour...

Je dois tant

à tant

que ma vie

je le crains

sera trop courte

pour remercier

les accidents

les couvercles qui se referment

comme une prison

porteuse de mort

au hasard d'une expérience

douloureuse

et stupide

les regards fermés

les doigts qui se pointent

fustigent

accusateurs

misérables reflets d'eux-mêmes

ne peuvent rien !

Ils se dissolvent

sur un sourire

offert

sans retenue

celui que je reçois

celui que j'offre

sans distinction

parce qu'il porte

la vie.

©Adamante

Au bord du canal

les derniers feux des feuilles

s’allument

dans le soleil couchant

c’est déjà l’automne

Deux canards s’ébrouent

une canne

à pêche

attend

seule

signalée par un gilet

jaune fluo.

À la surface de l’eau

à peine ridée de vent

quelques ronds

le poisson s’amuse

pas une touche

le pêcheur

sur son banc

peut rester à bavarder

avec des vieux

venus prendre le frais

Une mère passe

avec sa poussette

l’enfant pleure

plusieurs badauds musardent

des vélos jaillissent

sans ralentir

« drelin, drelin ! Poussez-vous !»

on a parfois envie

d’entendre « plouf ! »

Frustration !

La soirée est calme

la ville est agréable

quand il fait beau.

Un camion noir

de cinéma

vient rompre la paix

puis il s’éloigne

portant ses appétits d’images

un peu plus loin

peut-être pour voler celles des squatteurs

là-bas

dans l’ancien bâtiment des douanes

Le reflet des promeneurs

sur l’autre berge

attire mon attention

j’aime ces déformations

il y a du comique

dans la démarche de ces silhouettes

le flou de leurs contours

révèle le fond de leur esprit

le vrai s’exprime

quand la netteté s’estompe

Des baskets musicales

font soudain siffler le sol

« frotte, siffle, souffle

le son enfle

« frotte, siffle, souffle »

comme je suis heureuse

de n’en point posséder

la chose a l’air si fatigante

que même une chaussure

qui chante

ne m’attire pas

elles sont passées

elles s’éloignent

emportant avec elles

leur refrain asthmatique.

Les réverbères s’allument

la nuit est là

je la laisse envelopper les eaux

et, pour ne pas déranger les ombres

qui s’invitent avec le soir

je m’éloigne doucement

je regagne mon chez moi

tout là-haut, sur les hauteurs

loin du canal.

©Adamante